Donnerstag, 24. August 1995

Lourdes qui rit, Eglise qui pleure - Cette des miracles et crise de la foi



















La ville des miracles se porte bien. Mais cette vitalité cache un désarroi profond au sein de l'Eglise catholique en France. Avec la menace d'un schisme entre intégristes et progressistes. Une analyse sans complaisance du journal alternatif de Berlin.


Courrier international,
Paris
24. août 1995
de Reimar Oltmanns

Au pied des Pyrénées, Lourdes, Idyllique. Atmosphère de tourisme teintée de religiosité, ambiance de foire mêlée de piéte. Bigots et bibelots. Sainte Vierge en plâtre et en plastique, Sainte Vierge aurélée de petites ampoules éle- ctriques. Avec plus de douze millions de visiteurs par an, Lourdes est devenue le plus grand lieu de
pèlerinage au monde.

Philippe Douste-Blazy, quarante-six ans, maire de Lourdes, estime que " la foi chré- tienne ne répond plus aux questions existentielles des individus. En revanche,
Lourdes joue encore ce rôle. Ce qui explique que les masses affluent dans la ville: Lourdes est devenue, sans le vouloir; un haut lieu de culte qui marche formidable-ment bien." Parfois, il se surprend à contempler pensivement cette foule immense venue regégénérer sa foi. "Vous savez , le fondamentalisme s'est brusquement ré-veillé non seulement chez les musulmans, mais aussi dans l'Eglise catholique, sou-ligne-t-il. Les cathédrales sont vides, les caisses sont pleines, l'entre-prise est impo-sante - mais la foi est bien souvent minime. Il y a plus que jamais urgence à engager uns nouvelle mission évangélisatrice du monde moderne. Lourdes, avec ses 18.000 habitants, en est le bastion. En France et un Europe." Une Mecque des mythe, des légendes et des exagérations caricaturales dans un siècle acquis à la rationalité et à l'affût du progrès.

2,5 millions d'handicapés sont été conduits à Lourdes

Lourdes, été 1995. D'un pas nonchalant, une colonne de pèlerins se dirige vers la

basilique. L'église fut inaugurée en 1958 pour le centenaire de l'apparition de la Vierge aux yeux de Bernadette Soubirous. Fille d'un pauvre meunier, celle-ci a eu plusieurs visions de l'Immaculée Conception. Dans l'imposante maison de Dieu, près de 200 mètres de long sur 80 mètres de large, 25.000 croyants peuvent réciter leur prière dans uns acoustique étourdissante. Les temps sont révlous où seuls les ma-lades plaçaient de fervents espoirs en un authentique miracle. En tout, 2,5 millions d'handicapés physiques ont été conduits à Lourdes. Pas moint de 3.500 guéri-sons ont été attestées par des médecins. Dont 65 ont été officiellement authen-tifiées comme miracles par Rome.

"Chemins de la spiritualité biblique"

Les temps sont également révolus où Lourdes se devait d'insuffler un nouvel élan, de nouvelles légendes au mythe de la Sainte Vierge. Désormais, en ces temps de crise qui secouent les chrétiens, la formule magique qui fascine tient en un mot: ésotérisme, Séminaires de recueillement, découvere des "chemins de la spiritualité biblique", entraînement à la pratique des prières et implerations de la Vierge censées ouvrir la voie vers la guérison, l'Eglise de France ratisse large pour rassembler ses ouailles. Et faire concurrence au bouddhisme et à l'islam. Il y a longtemps que Lourdes est devenue, sur ordre du pape Jean-Paul II, une dépendance parfaite de la Curie romaine. La France n'est-elle pas la fille aînée de l'Eglise?

L'évêque Johannes Dyba, aumônier militaire allemand, participe à Lourdes au pèlerinage militaire inter- national, qui regroupe 25.000 hommes. La Bundeswehr y est présente avec 3.000 hommes et 6 trains spéciaux.

Les vieilles cathédrales se dépeuplent, coûteux vestiges d'une culture à la dérive

L'évêque a même fait venir 40 des soldats malades. D'autres soldats les portent sur leurs épaules pour parcourir, au pas, le chemin de croix. Le soir, on chante beaucoup dans les cafés: chanson à boire ici, Lili Marleen là, l'humeur est à la bière dans le sud de la France. Atmoshère permissionnaire et ambiance de jour de fête. La petite ville de Pyrénées grouille d'uniformes de toute sorte, du treillis à la tenue militaire, plus seyante pour les charmes de la ville. Et le père Schadt, l'aumônier militaire, prêche sur le terrain de football: "Les gars, nous jouons avec et pour la vie. Notre Vierge Marie est l'entraîneur et Dieu est le président." (Pèterinage à Lourdes, été 1994.)

Grands groupes d'édition et de presse

L'ambiance lourdaise contraste avec la profonde crise d'identité et de structure de l'Eglise catholique. La survie e l'Eglise française est assurée par les milliers d'écoles privées catholiques - on en dénombre près de 10.000 - et les grands groupes d'édition et de presse qui comptent 500 titre et réalisent n chiffre d'affaires de près de 300 million euro par an. Si, en 1946, le tiers des Français se rendait à la messe du dimanche, lis n'étaient plus qu'a peine 8 % en 1991. Et les 1.400 candidats à la prêtrise de la fin de la Seconde Guerre mondiale ne sont plus qu'une centaine aujourd'hui. Atmosphère de fin du monde dans une République où, de'Atlantique aux rives du Rhin, les vieilles cathédrales se dépeuplent pour apparaître comme de coûteux vestiges d'une culture à la dérive. Pourtant, dans toute son histoire, Lourdes a touijours été un révélateur des bouleversements du monde chatholique.

Aujourd'hui, subrepticement, elle est devenue un fief du fondamentalisme clérical. Tout à fait l'esprit de l'arche- vêque de Paris, Mgr. Jean-Marie Lustiger, "Les Lumières ont donné naissance au totalitarisme, en divinisant la raison humaine. Une Eglise qui se disloque elle-même sous l'effet de l'esprit des Lumières ne peut pas sauve le monde. S'il existe un décalage entre l'elite et le peuple, il y a risque de fracture."

Baptisez les foetus avortés

Rome et Saint-Siège, la reconquête de l'Europa par le catholicisme - Lourdes et ses conséquences. Sur le parvis de la basilique, dix femmes enceintes venues de Tou- louse attendent de pouvoir entrer. "Baptisez les foetus avortes et enterrez-les religieusement, Monseigneur", peut-on lire sur leurs banderoles. Derrières elle se pressent une cinquantaine d'hommes, tous membres des commandos anti-avortement. Depuis des mois, ils font les gros titres. Surtout, ils ont la morale officielle des cardinaux de leur côté. A Grenoble, en octobre dernier, le père Gérard Calvet s'est même enchaîné avec huit de ses adeptes à des lits de la clinique uni-versitaire de la Tronche. Lorsque, en janvier dernier, cd bénédictin et ses adeptes ont été condamnès à 800 Euro d'amende, il était clair que l'archevêque de Paris paierait. De toute façon, la peine de prison a été prononcée avec sursis. (France 1995).

Mgr. Jacques Gaillot, l´évêque d'Evreux

Jamais, en France, l'Eglise catholique 'a été aussi déchirée, aussi paralysée, aussi menacée de scission, Non au divorce, non à la contraception, non à l'avorte- ment, non au mariage des prêtres , non à l'ordination de femmes. Mais oui à l'exclusion de ceux qui veulent insuffler une nouvelle force de vie au catholicisme d'aujourd'hui et lui rendre ainsi une certaine crédibilité. Mgr. Jacques Gaillot, l'évêque d'Evreux démis de ses fonctions par le pape en janvier 1995, a décidé de se joindre aux exclus du pays, les SDF, les malades du sida, les chômeurs, ceux qui dépendent de l'aide sociale.

Il y a longtemps que le nom de Gaillot est devenu, pour les chrétiens, synonyme de la division: l'Eglise qui se vit au quotidien: 50.000 personnes se sont rendues à Evreux il y a six mois: plus de 100.000 ont signé des petitions contre l'exclusion de Mgr. Gaillot, parce qu'il était présent, "la où, mal-heureusement, en tant qu'Eglise, on ne nous trouve pas souvent": "Vivre l'Evangile" était, pour lui, plus important que les messes, processions et autres pèlerinages mystiques. Cependent, Mgr. Gaillot ne pouvait pas deviner que les cardinaux de France s'etaient déja mis d'accord, un an après sa nomination en 1985, pour inciter le pape à le démettre de ses fonctions d'évêque d'Evreux. A l'époque, Mgr. Gaillot était le seul évêque français à s'être prononcé contre la désision de la conférence épis- copales: "Assurer öa paix grâce à la dissuasion nucléaire". Une décision qui fut prise à la basilique de Lourdes.


















































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